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Quelques chiffres à propos du logement en Haïti

La population Haïtienne était estimée en 2012 à 10,4 millions, avec un taux d’accroissement annuel dans les années 90 de 2,8 %.

Avant le tremblement de terre de 2010, on estimait le manque de logements à 200 000.
Le nombre d’habitations détruites par le séisme reste difficile à évaluer, les estimations varient entre 100 000 et 200 000. C’est donc, au bas mot, 300 000 logements qui font actuellement défaut dans la capitale haïtienne.
Compte-tenu de l’évolution démographique, Mososah estime les besoins à l’horizon 2025 à 1 000 000 de logements.

Les villes haïtiennes accueillaient en 2003 environ 40 % de la population totale. Au cours des années 80/90, la population urbaine a cru au rythme annuel moyen de 5,8 %.

30,0 % des logements ne disposent pas de lieux d’aisance.
Des 70,0 % qui en disposent, la moitié se trouvent en milieu urbain et 5,0 % seulement de ces logements ont un W.C. intérieur.
Seuls 8,5 % des logements sont connectés à l’eau.

Les matériaux utilisés dans la construction des bâtiments sont essentiellement ciment/bloc et la terre. En milieu rural, le matériau « terre » (33,4 %) est le plus utilisé tandis qu’en milieu urbain, le matériau «ciment/bloc » (78,7 %) est le plus important. La toiture des bâtiments est généralement en tôle (69,2 %).

En juillet 2013, 278 945 individus vivent encore dans des camps de personnes déplacées. Plus de 110 000 abris temporaires ont été distribués depuis le tremblement de terre de 2010. Compte-tenu de la taille moyenne des familles haïtiennes ce sont donc au moins 517 000 personnes qui habitent ces logements de fortune(Données OIM).

L’essentiel de ces données sont issues des travaux de l’IHSI

Sandy sème le deuil et la destruction

Une tempête sème à nouveau le deuil en Haïti. A Grand-Goâve, une mère et ses quatre enfants ont péri dans l’effondrement de leur maison. A Carrefour, un homme est mort dans les mêmes circonstances. A Fonds-Verrettes, un autre, handicapé, s’est noyé dans l’inondation de son logement. Au total et à ce jour, 54 personnes ont perdu la vie et 21 sont portées disparues, selon la Protection civile haïtienne. L’office de coordination des affaires humanitaires des Nations Unies estime également que 15 000 à 20 000 foyers ont été complètement détruits, endommagés ou inondés. Et l’on craint que ce bilan dramatique ne s’alourdisse encore. Il y a tout juste deux mois, Isaac, déjà, avait provoqué 24 décès, 3 disparitions et la destruction de plus d’un millier de foyers. Mososah tient à présenter ses condoléances à toutes les familles endeuillées.

Les deux perturbations sont pourtant passées au large d’Haïti. Que se serait-il produit si le pays s’était trouvé en plein cœur de leur trajectoire ? Qu’attend l’Etat pour protéger réellement ses citoyens ? Car ces destructions sont incontestablement le résultat de la dégradation continue de l’environnement haïtien, d’une urbanisation incontrôlée et de l’absence d’encadrement du secteur de la construction.

Depuis le 12 janvier 2010, Mososah milite pour qu’une réelle politique de l’habitat soit mise en place en Haïti. Près de 3 ans après cette catastrophe, et alors que chaque année tempêtes tropicales et cyclones se succèdent, beaucoup trop d’Haïtiens sont encore victimes du mal-logement qu’ils survivent sous des tentes, dans des bidonvilles, des abris temporaires ou toute zone à risque. Cette situation a des conséquences sur leur santé, leur sécurité physique, l’éducation des enfants, la dignité des familles.

L’Etat doit se mobiliser sur cette problématique. Il ne suffit pas de préparer des abris d’urgence et de distribuer des kits ou des aides alimentaires une fois la catastrophe passée. Mososah en appelle à l’administration publique, au Gouvernement, aux élus. Tous doivent concentrer leurs forces afin d’élaborer un plan d’aménagement du territoire incluant un plan national de logement. Enfin, le reboisement et la préservation de l’environnement, qui permettront de réduire considérablement l’impact des intempéries, doivent figurer au premier rang des priorités.

Ensemble, concilions nos efforts afin de rendre Haïti plus forte, plus à même de faire face à toutes les catastrophes naturelles à venir.

Pour en savoir plus, n’hésitez pas à contacter Mososah au (509) 3799-5053 ou à l’adresse : mososah@gmail.com.

Sauvés pour servir, Ansan’m nap konstwi yon lòt Ayiti

Lancement de la Koperativ Lojman Sidès

Ensemble pour accéder à un logement sûr et de qualité

La coopérative d’épargne, de logement et de crédit aux petites et moyennes entreprises (CEL-CPME) du Sud-Est a été officiellement lancée le dimanche 4 décembre, à Jacmel. Cette initiative, qui émane du Mouvement de Solidarité avec les Sans-Abri d’Haïti, se décrit comme « la première réponse positive et organisée de la société civile haïtienne après la catastrophe du 12 janvier 2010 ». Elle est la première d’un réseau de coopératives départementales que l’association entend développer dans les mois et les années à venir. L’objectif premier : collecter l’épargne des membres (également appelés sociétaires) pour leur donner accès à des emprûnts à taux préférentiel. Ainsi, la CEL-CPME de Jacmel permettra à ses adhérents d’accéder à des crédits-baux immobiliers.

L’initiative plonge ses racines bien avant le 12 janvier, via la prise de conscience d’un petit groupe de citoyens. A Jacmel, il se réunit chaque dimanche, de manière informelle, pour évoquer les problèmes politiques du pays. Tout naturellement, les difficultés croissantes de l’accès au logement surgissent dans les discussions. « Les paysans descendent de façon massive dans les villes en pensant que le travail et la vie y sont plus faciles, souligne Pierre-Guillaume Byron, président de la Koperativ Lojman Sidès, enseignant et employé à la Direction générale des impôts. Certains vendent un morceau de terre pour acheter une moto et faire le taxi en ville. Mais où et comment vont-ils se loger ? » Depuis plusieurs dizaines d’années, cet exode rural se dirige vers les villes, puis les chefs-lieux des départements et enfin Port-au-Prince, pour aboutir dans des logements surpeuplés et des quartiers non adaptés à cet afflux de population. « Nous avions fait ce constat, mais notre petit groupe informel voulait se détacher de la discussion politique pour créer quelque chose de plus social, se souvient Pierre-Guillaume Byron. C’est alors que le 12 janvier est survenu. »
Ces mêmes citoyens tentent dans un premier temps de venir en aide à ceux que la catastrophe a laissé les plus démunis. « Moi, j’ai eu de la chance, explique Joël Jean-Baptiste, membre du conseil d’administration de la Koperativ, secrétaire général de Mososah et spécialiste en développement, je n’ai pas perdu de proches, seulement quelques biens matériels. Alors depuis le 12 janvier, 4h57, je me suis engagé à servir. J’ai contribué à l’organisation du camp de la primature, j’ai participé à la commission de gestion et distribution de l’eau, etc. » Dans le même temps, la réflexion du petit groupe se structure et vient s’enrichir de celle d’autres participants, urbanistes, géographes, architectes ou tout simplement pères et mères de famille… « C’est ainsi qu’est né Mososah, résume Joël Jean-Baptiste. Parce que nous avons réalisé que les camps n’étaient pas un phénomène provisoire, que la situation du logement allait se trouver aggravée pour longtemps et que l’Etat n’avait aucun plan pour l’améliorer durablement. »
Le 30 décembre 2010 est donc fondé le Mouvement de Solidarité avec les Sans-Abri d’Haïti, autour d’un manifeste pour un véritable plan de logement à développer dans les 15 ans à venir. Les réflexions menées au sein de l’association et les rencontres avec des experts concluent que 800 000 logements supplémentaires sont nécessaires à l’horizon 2025 pour  héberger dignement l’ensemble de la population haïtienne et faire face à la croissance démographique. Ces logements devraient idéalement être répartis sur tout le territoire national, via la création de 400 villages, dans des sites protégés de tout risque environnemental et selon des normes de construction rigoureuses. Bien-sûr, Mososah ne sera pas le maître d’ouvrage du projet. « Notre premier objectif est de sensibiliser le gouvernement et la population, résume Joël Jean-Baptiste. Ensuite, c’est à l’Etat de se saisir de ce plan.»
Dans un second temps, les membres de Mososah réfléchissent à la mise en place d’outils concrets pour progresser vers leur objectif. C’est alors qu’émerge l’idée de coopératives d’épargne et de logement, dont la première née sera donc celle de Jacmel, enregistrée officiellement auprès des services de l’Etat le 30 août 2011. Encadrées par la loi, ces structures économiques sont actives dans de nombreux secteurs de la société : accès à la scolarisation, entreprenariat, agriculture, etc.

Koperativ Lojman Sidès s’adresse, elle, aux épargnants qui ont un projet de construction en vue, quelle que soit la dimension de leur projet. « Mais beaucoup de nos premiers adhérents ont déjà leur propre maison, explique Jacques Jean-Pierre, président du comité de surveillance et directeur dans le secteur des médias. Ils ont simplement décidé de nous confier leur épargne afin d’aider les autres. Nous devons nous associer pour que chaque homme et chaque femme puisse vivre de manière digne. » Dans tous les cas, les projets de construction devront être validés par des experts de Mososah, tant pour la sécurité du terrain choisi que pour la qualité du bâti. « Nous ne laisserons ps construire n’importe quelle maison, insiste Jacques Jean-Pierre. Chacun doit pouvoir construire sa maison, quels que soient ses moyens mais dans le respect des normes parasismiques et paracycloniques. » Par ailleurs, les prêts consentis pas la coopérative concerneront également le financement de l’installation de professionnels dans les villages ou les quartiers qui seront construits à partir de cette épargne, selon le plan de Mososah.

La coopérative est ouverte à tous les épargnants en mesure de s’acquitter de frais d’inscription de 100 gourdes et d’une part sociale de 500 gourdes. Chaque sociétaire fixe ensuite le rythme de son épargne en fonction de ses revenus et de son projet. Il ne s’agit donc pas de réaliser des miracles. « Nous prêterons à ceux qui peuvent rembourser, résume simplement Ronald Joseph, le directeur général bénévole de la Koperativ Lojman Sidès. » Pour les plus pauvres, il reviendra à l’Etat de s’engager, des ONG ou des organisations internationales en feront de même. Des partenariats seraient d’ailleurs déjà à l’étude, même si la CEL-CPME ne souhaite pas encore divulguer ses contacts.

Mososah n’oublie pas non plus que les habitants des camps n’auront pas accès aux services de la coopérative. Pour l’heure, le mouvement s’engage déjà à relayer leur parole et révéler leurs conditions de vie. « Chaque jour, on raye des noms, explique Joël Jean-Baptiste. On nous explique que le nombre d’habitants dans les camps diminue, mais où vont-ils ? » Avec les quelques milliers de gourdes qui leur sont donnés en échange de leur départ, quand ils ne sont pas expulsés manu militari, quel toit peuvent-ils poser sur les têtes des membres leur famille ? A l’occasion du lancement de la Koperativ, Mososah avait donc également convié Ruben Calixte, qui, après avoir quitté la place de Jacmel pour le camp Pinchinat se trouve désormais exilé dans celui de Baudouin, à la périphérie de la ville. Ce contremaître, qui a perdu son fils aîné dans le séisme, peine depuis à retrouver un emploi. Ses diplômes ont disparu avec son logement, et l’entreprise qui l’employait a quitté la région… Il désespère de trouver de l’aide auprès de l’Etat. « Pour moi, l’Etat n’existe même pas, puisqu’il ne nous reconnaît pas en tant que citoyens, a-t-il résumé tristement. Il nous maltraite en nous proposant 10 000 gourdes pour nous faire partir et ce faisant il en profite pour détourner des fonds. » Pour Ruben Calixte, seul un emploi ou le développement des activités de la coopérative envers les plus pauvres permettra de trouver des solutions adaptées à ceux qui vivent encore sous des bâches.

Pour l’heure, Mososah et Koperativ Lojman Sidès vont continuer à diffuser leur message. Une soixantaine de sociétaires auraient déjà rejoint les rangs de cette banque communautaire. Seuls deux représentants politiques avaient répondu à l’invitation le 4 décembre dernier : Lucien Daniel (section communale Michineau de la commune de Cayes-Jacmel) et Alexandre Appolon (section communale Ternier, délégué par la mairie de La Vallée de Jacmel). Aucune des ONG et organisations internationales oeuvrant dans la région et dûment conviées n’avait fait le déplacement. Pourtant, les représentants de deux autres institutions de crédit jacméliennes, les caisses Espoir et Succès, reconnues de longue date pour la qualité de leur travail, ont très vivement encouragé l’initiative de Mososah. « Koperativ Lojman Sidès répond à un besoin fort, a salué Hébert Lahatte ancien président et fondateur de la caisse Succès. Il vous faudra du courage, de la rigueur et les débuts seront difficiles, mais je suis sur et certain que vous êtes sur la voie de la réussite. »

Lucien Déraillot

(article publié le dans Le Nouvelliste des lundi 12 et mardi 13 décembre 2011)